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Relations entre juristes et commerciaux : pour le meilleur et pour le pire !

Rédigé par
Pierre Marchès
,
CEO
La relation entre juristes d'entreprises et commerciaux est loin d'être un long fleuve tranquille ! Pourtant, juristes et commerciaux ont un but commun : signer des contrats ! Comment travailler ensemble efficacement ? On a posé la question à Pierre-Alexandre Caux, Directeur commercial chez RTSYS.

Pierre-Alexandre Caux est ce que l’on peut appeler un commercial “pur jus” ! En 15 années de vente de produits et systèmes complexes en France comme à l’international, Pierre-Alexandre a eu l’occasion de négocier et signer des centaines de contrats (contrats commerciaux, partenariats, consortiums, distribution, agents commerciaux, etc.), en travaillant avec différents juristes dans la joie, la bonne humeur…et parfois dans la douleur ! 

Pour commencer cette interview, mettons les pieds dans le plat et parlons sans langue de bois : si je te dis “juriste d’entreprise”, quels sont les 5 mots qui te viennent spontanément à l’esprit ?

Mes 5 mots pour qualifier la relation entre un commercial et un juriste d'entreprise : temps, usine à gaz, frustration, adaptation et enrichissement.

Immédiatement, quand tu me dis "juriste" ou "juridique", je pense au "TEMPS" ! 

Relire, analyser, modifier, clarifier parfois des centaines de termes ou de clauses prend du temps. Le commercial veut aller vite quand le juriste d’entreprise a pour mission de dérisquer, de protéger les intérêts d’une entreprise. Peu importe le temps que cela puisse prendre, certains points doivent être discutés et modifiés, et donc forcément négociés, révisés, relus (parfois trop longtemps) avant d’être potentiellement validés. Au commerce la priorité est de signer, chaque clause renégociée porte un risque de remettre en question l’accord initial, et le temps peut parfois être notre pire ennemi dans ces derniers mètres à courir avant de passer la ligne d’arrivée les bras levés. 

Ensuite, et navré pour les juristes qui nous lisent, je dirais "USINE A GAZ".

Pour tempérer mon propos, rester clair et surtout humble (qualité première d’un commercial c’est évident !), le métier de juriste est une spécialité unique qui requiert une expertise et des connaissances que le commun des mortels ne peut appréhender d’un coup de baguette magique. Toutefois, certaines négociations de contrats et discussions sur des clauses ou termes sont difficiles à appréhender quand on ne connaît pas certaines jurisprudences ou pratiques, et pour un commercial s'apparenterà une complexification assez éloignée du quotidien.

Suite logique des deux premiers points, mon troisième mot serait "FRUSTRATION".

Le commercial essaie d’être réactif auprès de ses clients (évidemment il veut signer son contrat le plus rapidement possible afin de ‘briller’ auprès de ses chers collègues le matin à la machine à café), le juriste lui, prend le temps nécessaire au respect des procédures de relecture, validation et signature, tout simplement. Au final, le commercial fait le ping-pong entre son client et son département légal, et comme expliqué auparavant cela n’avance que trop rarement à la vitesse espérée pour lui. Tout ceci peut amener une part de frustration qui rejaillit forcément sur le juriste (et tout ce qui passe) au fil du projet.

Après quelques années d'expérience, "ADAPTATION" serait mon quatrième mot.

J'ai désormais un peu de bouteille et me rends à l'évidence : le commercial et le juriste d'entreprise ont un intérêt commun (l'entreprise) mais des objectifs individuels différents. Pour arriver au bout du process et signer (enfin!!) le dit contrat, chaque partie doit s’adapter aux attentes, objectifs et contraintes de l’autre.

Pour une finir sur une note positive et sincère : "ENRICHISSEMENT".

J’ai eu la chance de croiser le fer avec certains et certaines juristes qui m’ont appris à lire des contrats, dans une forme de logique mais aussi d’analyse de risque. Chaque contrat est différent, surtout à l’international, ce qui permet réellement de s’enrichir clause après clause afin de pouvoir mieux appréhender certains éléments de langage juridiques et ainsi mieux défendre les intérêts de son organisation sur le long terme.

Qu’est ce qui selon toi est le plus pénible dans la relation entre juristes et commerciaux ? 

Juristes et commerciaux ne parlent pas le même langage !

Nous ne parlons pas la même langue ! Tandis que le commerce est prêt à prendre des risques sur certaines clauses d’un contrat, le juriste est bien plus pondéré, pragmatique, il pense avant d’agir ce qui est une bonne chose dans l'absolu mais qui peut parfois être extrêmement frustrant.

Pour autant, j'essaye de prendre du recul sur la relation au temps diamétralement opposée qu'ont les juristes et les commerciaux, en me disant que les deux parties ont un intérêt commun : sécuriser au maximum la négociation de chaque contrat ! 

En 15 ans de carrière, j’imagine que tu fourmilles d’anecdotes - plus ou moins - mémorables de ta collaboration avec des juristes. As-tu un souvenir marquant, une réussite ou un échec, à partager avec nous ?

J’ai malheureusement un peu trop d’anecdotes qui ne sont pas encore prescrites, et pour lesquelles je ne parlerai donc qu’en présence de mon avocat ! 

Mais comme tu insistes, disons qu’à une époque plus ou moins lointaine il m'était demandé de faire renseigner des questionnaires de “due diligence” à chacun de nos partenaires à l’international, sous prétexte d'un texte que les juristes appellent la loi Sapin II (questionnaires dont le nom m'a toujours plus fait penser à un titre de film qu'à une évaluation juridique…).

La réalité, c'est que je faisais principalement du commerce à l'international. Or, beaucoup trop de pays à travers le monde n’ont pas encore notre maturité en matière de contrats et conformité. Quasiment aucun de mes partenaires ne remplissaient ces questionnaires à cette époque, et la "loi Sapin II" se transformait souvent en "loi Poignée de main III".

Mais comme il fallait bien avancer et rendre ces précieux sésames à la toute puissante direction juridique pour avancer, j'avais dû innover en trouvant un moyen efficace de rendre rapidement des questionnaires complets… C’est alors qu’un juriste consciencieux avait détecté qu'assez fréquemment, des "copier-coller" s'étaient malencontreusement retrouvés sur tous les documents.

Au fur et à mesure des années, ton regard sur le métier et l’utilité du juriste d’entreprise a-t-il évolué ? 

Absolument, mon regard sur le métier de juriste a évolué en même temps que ma propre évolution. Plus on est impliqué dans des postes à responsabilités et plus on se doit de comprendre et maîtriser les risques qui nous entourent.

Au même titre qu'un juriste, un responsable commercial se doit d'être vigilant, de négocier des contrats les plus clean possible, et de prendre les meilleurs décisions  pour l'entreprise.

Tu travailles aujourd’hui au sein d’un groupe qui n’a pas (encore) de juriste en interne. Honnêtement, la vie de commercial, c’est mieux avec ou sans juriste ? 

Cela dépend des jours :-)

Plus sérieusement, en tant que commercial on peut plus facilement et plus rapidement signer des contrats lorsqu'il n'y a pas de juriste dans l'entreprise, on peut aussi plus facilement couler une boite.

Pour terminer et pour aider les juristes qui nous lisent : dresse nous le portrait robot du juriste idéal pour un commercial ? 

Le juriste idéal ? Je dirais un cerveau rempli de textes de lois, un regard orienté commerce, une écoute attentive, une réactivité à toute épreuve, mais surtout une volonté d’expliquer le “pourquoi” quand une clause ne peut être acceptée.

Travailler à améliorer la culture juridique des commerciaux est le meilleur moyen de les rendre plus sensibles aux contrats et plus généralement à la protection des intérêts de la société qu’ils représentent. 

Rédigé par
Pierre Marchès
,
CEO

Avant d'être entrepreneur, Pierre a évolué au sein d'une dizaine de directions juridiques ce qui lui a permis de rédiger, négocier et signer des tonnes de contrats.. mais aussi de comprendre les freins et pénibilités inhérentes à la gestion de contrats.

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